La Cour de justice de l’Union européenne confirme le régime du registre instaurant le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre
Dans un arrêt rendu le 15 mai 2025 (Metsä Fibre Oy C414/23), la Cour de justice de l’Union européenne confirme les règles d’irrévocabilité des transactions et leur conformité vis-à-vis du droit à la propriété garanti par l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux.
Historique des faits :
L’affaire initiale oppose Metsä Fibre Oy, une entreprise finlandaise exploitant une usine de bioproduits à Äänekoski, à l’Agence de l’énergie finlandaise, au sujet de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Entre 2013 et 2017, Metsä Fibre a restitué des quotas conformément aux règles européennes.
Cependant, en 2017, la Cour de justice de l’UE a rendu l’arrêt Schaefer Kalk (C‑460/15, ci-après l’ « arrêt Schaefer Kalk », EU:C:2017:29), invalidant certaines dispositions du règlement européen qui avaient conduit à une surestimation des émissions de CO₂ dans certaines situations, comme celles de Metsä Fibre.
En conséquence, l’Agence de l’énergie a reconnu qu’environ 115 000 quotas avaient été restitués à tort par Metsä Fibre. Elle a toutefois refusé de réintégrer ces quotas dans le compte de l’entreprise, car les délais pour corriger les transactions dans le registre de l’Union étaient expirés. Elle a seulement autorisé leur report pour l’année 2021, ce qui, selon Metsä Fibre, ne permettait pas de les valoriser (par exemple par une revente), les quotas n’étant pas visibles dans le registre.
L’entreprise a donc saisi le tribunal administratif d’Helsinki, en invoquant notamment une atteinte au droit de propriété, une inégalité de traitement et une violation du principe de sécurité juridique, estimant ne pas pouvoir bénéficier pleinement de l’effet correctif de l’arrêt Schaefer Kalk. Elle souligne en outre que son installation émet très peu de CO₂, ce qui rend impossible l’usage de ces quotas excédentaires dans un avenir raisonnable.
Dans ce contexte, le juge finlandais a décidé de suspendre l’instance et de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice de l’UE, afin de savoir si le refus de réintégration des quotas excédentaires est conforme au droit de l’Union, en particulier à l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux (droit de propriété).
1) Les dispositions des articles 70 et 40 du règlement no 389/2013, relatives aux délais d’annulation des transactions et au caractère définitif et irrévocable de celles-ci, sont-elles invalides, eu égard au droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte […] et à d’autres droits protégés par cette charte, dans la mesure où ces dispositions font obstacle à une restitution de quotas d’émission dans le patrimoine de Metsä Fibre Oy dans une situation où la restitution en excès de ceux-ci au registre de l’Union résultait de l’application de dispositions jugées invalides par l’arrêt Schaefer Kalk et où cette entreprise ne peut pas bénéficier d’un solde indicatif de l’état de conformité qui est positif, en raison de la faible quantité actuelle d’émissions produites par l’installation d’Äänekoski ?
2) Si la première question appelle une réponse négative, les dispositions des articles 70 et 40 du règlement no 389/2013 sont-elles applicables dans une situation où la restitution en excès de quotas d’émission au registre de l’Union résultait de l’observation de dispositions jugées invalides par l’arrêt Schaefer Kalk, et non d’une transaction engagée accidentellement ou par erreur par un titulaire de compte ou un administrateur national agissant au nom de celui-ci ?
3) Si la première question appelle une réponse négative et la deuxième question une réponse affirmative, existe-t-il un autre moyen autorisé par le droit de l’Union de placer Metsä Fibre Oy, quant à l’exploitation des quotas d’émission, dans la même situation que celle dans laquelle elle se serait trouvée si les dispositions jugées invalides par l’arrêt Schaefer Kalk n’avaient pas existé et si cette entreprise n’avait donc pas restitué de quotas en excès ?
La CJUE répond à la première question comme suit :
La CJUE rappelle que, selon le règlement no 389/2013, une transaction est irrévocable une fois finalisée, sauf en cas d’erreur signalée dans un délai très court. Cependant, même si les quotas ne peuvent être rétroactivement annulés dans le registre, cela n’exclut pas un droit à réparation. En effet, l’article 40 §3 prévoit qu’un exploitant peut revendiquer une restitution, un recouvrement ou un dédommagement si la transaction s’est révélée ultérieurement injustifiée, y compris lorsqu’une disposition de l’UE est jugée invalide.
Ainsi, même si Metsä Fibre ne peut pas annuler les restitutions passées, elle peut obtenir une compensation équivalente, par exemple sous forme de nouveaux quotas ou d’un dédommagement pécuniaire, à condition que cela ne remette pas en cause la transaction dans le registre.
La CJUE insiste enfin sur l’exigence d’égalité de traitement : une entreprise comme Metsä Fibre, qui a réduit ses émissions de CO₂ et donc ne peut réutiliser les quotas excédentaires, ne peut être désavantagée par rapport à d’autres exploitants qui ont été crédités de quotas.
La CJUE indique ensuite que la réponse à la première question rend superflue toute réponse apportée aux questions suivantes.
Conclusion de la CJUE :
La Cour juge que les articles 40 et 70 du règlement (UE) n° 389/2013, relatifs au caractère définitif et irrévocable des transactions dans le registre de l’Union ainsi qu’aux délais stricts pour leur annulation, ne sont pas contraires au droit de propriété garanti à l’article 17 de la Charte. En effet, ces dispositions n’interdisent pas à un exploitant de demander réparation pour un préjudice subi du fait de quotas restitués en trop à la suite de l’application d’un règlement ultérieurement invalidé. Ainsi, les droits à restitution ou à dédommagement demeurent ouverts, sans remettre en cause la sécurité juridique du registre. La validité des articles 40 et 70 est donc confirmée.